Faible rotation du personnel: gage de succès?

Le magazine Bilan vient de publier les résultats de l’enquête «Meilleurs employeurs romands». Il y a notamment un prix qui récompense les meilleures pratiques RH. Parmi les premières places? UBS, le CERN ou les SIG. Les arguments avancés: congé paternité modulable, divers jours de vacances en fonction de l’ancienneté ou encore des cours de yoga pour rester en forme. Ce prix est perçu comme une reconnaissance pour la marque employeur, il contribue à attirer et fidéliser les employés.

Mais qu’en est-il de l’envers du décor? Ebauche de réponse avec le site Glassdoor (le Trip Advisor des entreprises), qui apporte un regard différencié sur ces mêmes sociétés, les collaborateurs pouvant vanter les mérites de leur entreprise, ou leurs déficits. Pour ces mêmes entreprises, on trouve respectivement les recommandations suivantes: «Appliquez svp en interne l’image que vous voulez donner à l’externe», «Choisissez des managers compétents, pas que des spécialistes experts dans leur domaine» ou encore «Turnover bas, donc peu de possibilités d’évolution».

Recruter de nouveaux collaborateurs, les développer et les fidéliser: c’est un challenge pour la direction et les RH. Dans ce contexte, un faible turnover est-il synonyme de bonne santé pour une entreprise? Oui et non. J’ai vu des entreprises avec des salariés peu motivés qui restent pour de bonnes ou mauvaises raisons: sécurité financière, peur de prendre des risques, manque d’employabilité. Cela mène souvent à une situation de stagnation, à une atmosphère de travail discutable, et cela impacte les niveaux de productivité.

Cela ne signifie pas que les employés de longue date n’ont plus de qualités à faire valoir: ils en ont beaucoup. Le management doit viser plutôt l’équilibre entre les nouveaux et anciens employés. En mêlant ceux qui connaissent le travail en profondeur et ceux qui sont réputés plus frais, énergiques et enthousiastes. Le business bénéficiera ainsi de la sagesse des uns et de l’ambition des autres.

D’un autre côté, si tous les postes de management sont pourvus depuis longtemps, alors quelles perspectives d’évolution ont les employés ayant le moins d’ancienneté? La direction ne peut pas se permettre d’avoir une grande proportion de son effectif souhaitant rester dans sa zone de confort. Car après tout, ce sont souvent les employés les plus ambitieux et innovants qui font le succès des meilleures entreprises.

Investir dans les prestations sociales et dans l’image de l’entreprise est important. Embaucher ou promouvoir les salariés actuels, et les accompagner dans leur développement, l’est tout autant. De nombreuses entreprises mettent en place des plans de succession, en faisant la «photo du jour» des compétences actuelles, avec les projections futures. Un des outils, l’assessment, prend ici tout son sens, que ce soit pour sélectionner les candidats externes ou internes, favoriser des pistes de développement, ou gagner finalement en employabilité. C’est ici que se situe, à mon avis, la véritable sécurité pour le futur, non seulement à l’échelle individuelle, mais aussi entrepreneuriale et collective.

Article publié sur HR Today . Félix d. Hauswirth, psychologue et consultant en ressources humaines