Juan Antonio Samaranch, président du CIO de 1980 à 2001, avait pour habitude de toujours conserver un marron dans l’une de ses poches. Lors d’un échange avec ses partenaires d’affaires, en cas de mésentente, il serrait très fort ce fruit dans sa main, pour laisser exprimer sa tension dans un premier temps; cela lui procurait ensuite un effet relaxant. Le marron restait bien sûr intact, c’est un fruit résistant.
En d’autres termes, M. Samaranch devait contenir une émotion forte (de la frustration ou de la colère certainement) pour garder la face et faire mine que tout allait bien. En langage technique, il venait de jouer le rôle de l’enfant «adapté soumis» face à un interlocuteur représentant une forme d’autorité, tout en laissant transparaître son côté «enfant rebelle» à travers le marron.
La théorie de l’analyse transactionnelle (fondée en 1958 par Eric Berne) est riche en enseignements sur les différents états du «moi», avec des évolutions constantes depuis l’enfance. Elle donne un éclairage sur la relation aux autres et sur la façon dont le «moi adulte» fait la part des choses entre pulsions ou émotions d’un côté (moi enfant), et tentation de suivre des règles réfléchies ou arbitraires (moi parent), afin de s’adapter au mieux à l’environnement social.
Nous sommes tous les jours confrontés à des situations d’équilibrage, pour maîtriser nos interactions avec les autres, et faire la part des choses, notamment dans la sphère professionnelle. On retrouve cette ambivalence dans des principes de management comme l’allégeance, qui consiste à être à l’écoute de son supérieur, tout en faisant preuve de fermeté vis-à-vis de ses subalternes.
C’est dans cet équilibre que réside à mon avis la motivation du collaborateur. Est-il prêt à se soumettre temporairement ou de manière durable à l’autorité de son manager? Peut-il exprimer ses idées ou ses souhaits spontanément? A-t-il la possibilité de fixer ses propres limites à ne pas franchir pour garantir l’espace qu’il estime vital pour lui? Enfin, comment peut-il discuter avec sa hiérarchie des faits concrets et échanger sur un même niveau pour trouver des solutions ensemble, tout en tenant compte de son ressenti?
ll peut être intéressant de s’adonner à un exercice d’auto-évaluation pour tout rôle dans l’organisation, afin de mieux connaitre sa marge de manœuvre, consciente ou inconsciente, et de cultiver le feed-back avec son entourage.
Alors oui, Antonio Samaranch (pour ne citer que lui) a certainement vécu des frustrations, sa carrière a connu des hauts et des bas, il a trouvé des équilibres ou des compromis, avec les autres ou avec lui-même. Ce marron est devenu une véritable métaphore de sa capacité à se contenir et à s’adapter.
Dans un assessment, le candidat se doit aussi de trouver cet équilibre, entre une parole spontanée ou sous contrôle, entre un management directif ou laisser-faire, en suivant les règles données ou en les remettant en question… avec comme but le développement durable de l’organisation.
Article publié sur HR Today . Félix d. Hauswirth, psychologue et consultant en ressources humaines